19 février 2018

Les Mystères de Larispem de Lucie Pierrat-Pajot

Les Mystères de Larispem est une saga jeunesse, pour le moment composée de deux tomes, écrite par Lucie Pierrat-Pajot. Le premier tome - Le sang jamais n'oublie - a remporté la deuxième édition du Concours du premier roman jeunesse organisé par Gallimard Jeunesse, Télérama et RTL en 2015.

De quoi ça parle ?
Depuis que les révolutionnaires ont pris le pouvoir pendant la Commune en 1871, Paris est devenue Larispem. Cette Cité-Etat, indépendante et socialiste, est principalement dirigée par les bouchers, devenue la caste dominante.
Dans ce roman, dont l'action se déroule trente ans après ces événements, nous suivons trois personnages : Carmine, l'apprentie bouchère à la langue bien pendue, Liberté, la mécanicienne introvertie, et Nathanaël, l'orphelin aux dons étranges. Alors que les nobles ont été traqués et tués au cours de la Commune, les mystérieux Frères de Sang refont surface et menacent l'équilibre politique et social de Larispem.

La Commune de Paris : Petit rappel
Ce roman est une uchronie c'est-à-dire une reconstruction fictive de l'histoire. Lucie Pierrat-Pajot a pris pour point de départ un événement réel de l'histoire de France pour créer un Paris alternatif baignant dans une ambiance steampunk absolument géniale ! 
La Commune (la vraie !) a eu lieu alors que la France était en guerre contre la Prusse. Alors que cette guerre se poursuit, en septembre 1870, une révolution renverse le Second Empire et permet l'instauration de la Troisième République. Durant l'hiver 1870-1871, Paris est asiégée et connaît une grande famine. Au moment de l'ouverture des négociations de paix, la population française se trouve divisée. D'un côté, les bourgeois (retirés à Versailles) sont favorables à une paix rapide. De l'autre côté, les parisiens qui vivent dans des conditions très difficiles ont peur d'un retour en arrière politique et social. Un certain nombre d'événements font monter les tensions entre les deux camps. La 28 mars 1871, la Commune de Paris - sorte de gouvernement alternatif - est proclamée. Elle se termine le 29 mai 1871, avec la Semaine Sanglante.

Les thèmes abordés
Une des choses que j'ai particulièrement apprécié dans ces romans, c'est qu'ils abordent - en littérature jeunesse et de manière très intelligente - des thèmes qui me semblent importants. 
Le premier thème dont je souhaite vous parler, c'est l'utopie politique. Au départ, on nous présente une utopie socialiste où tous les citoyens sont égaux, quelle que soit leur origine social et quel que soit leur sexe. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes mais on s'aperçoit assez rapidement que ce n'est pas tout à fait le cas. En effet, une nouvelle classe de privilégiés est apparue : les bouchers. On est aussi face à un gouvernement qui prône la transparence, l'égalité et la discussion mais qui est arrivé au pouvoir en rejetant une partie entière de la population et en les obligeant à fuir en les traquant et les tuant. Les citoyens de Larispem acceptent ce paradoxe sans problème comme s'ils l'avaient même oublié. Cette saga aborde donc la question passionnante de la réalisation concrète de l'utopie politique et de la réécriture de l'histoire par les vainqueurs. 
Le second thème abordé dans ces romans qui m'a beaucoup plu, c'est celui de la filiation. Il y a d'abord Nathanaël qui est orphelin et qui s'interroge sur ses origines. Liberté, elle, a quitté sa famille (qui vit toujours en France) pour venir s'installer à Larispem et devenir mécanicienne. Ces deux personnages vont devoir assumer des risques liés aux familles dans lesquelles ils sont nés. J'ai bien aimé le traitement de la responsabilité familiale : comment les choix des parents ressurgissent-ils sur leurs enfants ? Quant à Carmine, la question de la filiation est également très présente dans son histoire. Son père est un ancien esclave qui était employé par une famille de noble comme serviteur. Il est devenu une légende de la révolution en tuant la famille pour laquelle il travaillait. C'est grâce à cela (et à son talent tout de même) qu'elle a pu accéder à la caste des bouchers. En effet, malgré l'apparence d'égalité, on sent bien qu'une jeune fille noire bouchère fait figure d'exception à Larispem.

Et sinon, on en parle des personnages ?
Les personnages des Mystères de Larispem sont très éloignés de ceux que l'on a l'habitude de voir dans les romans pour adolescents et ça fait un bien fou !
A première vue, Liberté ne paraît pas très courageuse et est plutôt introvertie. Mais il ne faut pas s'y fier ! Elle a peu confiance en elle mais fait preuve de beaucoup de détermination et a un véritable don pour la mécanique. C'est le personnage que j'ai préféré même si j'ai aussi aimé les autres. Lucie Pierrat-Pajot casse les codes - notamment genrés. Carmine est une jeune fille intrépide et franche, qui n'en a pas grand-chose à faire de ce que les gens peuvent penser d'elle ! Nathanaël, quant à lui, est un garçon un peu perdu. Il n'a jamais rien connu d'autre que l'orphelinat et il a des difficultés à se projeter pour se choisir un avenir. Ces trois personnages principaux sont très attachants et complémentaires. Et, sachez que les personnages secondaires ne sont pas en reste !

J'espère vous avoir donné envie de vous lancer dans cette saga. Bien qu'elle ne soit pas parfaite (même si j'ai très peu de points négatifs à donner), je pense qu'elle vaut vraiment le détour et j'aimerais beaucoup avoir votre avis ! Je n'ai pas forcément parlé de tout ce qu'il y avait à dire mais je ne voulais pas trop vous ennuyer ! J'ai été très vite sur le petit point historique donc n'hésitez pas à apporter des précisions ou des corrections. Je vous souhaite de faire de bonnes lectures et je vous dis à très bientôt !

15 janvier 2018

Culottées de Pénélope Bagieu

Pour débuter ce blog, j'avais envie de vous présenter deux bandes-dessinées que j'apprécie particulièrement : Culottées - Des femmes qui ne font que ce qu'elles veulent de Pénélope Bagieu.



Parlons un peu du concept
Eh bien, il est très simple ! Un tome = quinze portraits de femmes qui ne se sont jamais laissé faire. Pénélope Bagieu a souhaité rendre hommage à ces femmes inspirantes dont certaines sont très connues et d'autres beaucoup moins. En quelques planches, elle dresse leur portrait pour nous inviter à les découvrir plus amplement en faisant nos propres recherches. 

Non mais t'as vu la beauté de ce livre ?!
L'objet-livre est magnifique et je défie quiconque de passer à côté en librairie sans s'arrêter dessus.
Quand on ouvre l'album, on est tout aussi émerveillé. J'aime beaucoup le coup de crayon de Pénélope Bagieu que je trouve sobre, simple et juste. J'ai retrouvé le style que je lui connaissais déjà et que j'appréciais. 


J'ai eu un véritable coup de coeur pour les doubles pages qui se trouvent à la fin de chaque portrait. Le style du dessin s'adapte à la femme dont il est question et les couleurs sont vraiment magnifiques. Je ne résiste pas à vous en montrer un exemple pour vous mettre l'eau à la bouche.

Je ne souhaite pas vous en dévoiler plus parce que je ne veux pas vous gâcher le plaisir si vous souhaitez découvrir ces bandes-dessinées.

Et le fond dans tout ça ?
J'avais vu une interview de Pénélope Bagieu dans laquelle elle disait que son souhait était vraiment de faire connaître ces femmes afin de nous donner envie de les découvrir et d'aller faire des recherches sur elles. En ce qui me concerne, c'est totalement réussi. J'ai retrouvé l'histoire de femmes que je connaissais déjà comme Temple Grandin par exemple. J'ai appris des choses sur l'histoire de femmes que je connaissais mal, comme Josephine Baker. Et puis, j'ai surtout découvert un bon nombre de femmes que je ne connaissais pas du tout. 

Ce que j'ai vraiment aimé, c'est le mélange opéré par Pénélope Bagieu. Ce sont des femmes qui n'ont fait que ce qu'elles veulent mais à des échelles très différentes. Certaines ont tenu un rôle important au sein de leur pays ou de leur communauté. D'autres se sont battues toute leur vie pour protéger leur famille ou vivre leur passion. Chacun peut y trouver une source d'inspiration justement parce qu'elles sont très différentes les unes des autres. 

C'est un format très court - quelques planches pour chaque portrait - et c'est un véritable atout. Cela permet de lire - et relire - la bande-dessinée dans l'ordre qui nous plaît, de garder ces histoires en mémoire et de nous donner envie d'en savoir davantage. La double page de dessin à la fin de chaque histoire permet de marquer une pause, de prendre le temps de réfléchir au portrait qui vient d'être lu avant de passer au prochain. Personnellement, j'ai pris tout mon temps pour lire ces deux tomes, lisant quelques portraits chaque jour afin de les savourer et de me laisser le temps de m'en imprégner. 

Pour finir
J'espère vous avoir donné envie de découvrir ces bandes-dessinées. Les deux tomes sont des bijoux (et d'une qualité totalement équivalente). Avant de vous quitter, je voulais vous donner les trois histoires de femmes que j'ai préférées :
Giorgina Reid - Gardienne de phare
Elle a passé 15 ans de sa vie, chaque jour, à amménager une falaise pour lui éviter de s'écrouler et d'emporter avec elle le phare dans lequel son mari et elle avaient décidé d'habiter. 
Katia Krafft - Volcanologue
Cette scientifique passionnée a passé sa vie à grimper en haut de volcans, accompagnée de son mari afin de faire avancer la science, puis de mettre en place des supports pédagogiques pour expliquer aux populations les risques qu'ils représentent. 
Thérèse Clerc - Utopiste réaliste
Elle a milité pendant des années pour les droits des femmes puis leur a offert un endroit où aller lorsqu'à la retraite elles se retrouvent isolées et sans ressources : la maison des Babayagas.

Et vous quelles sont vos histoires préférées ? Si vous ne connaissez pas encore ces bandes dessinées, j'espère vous avoir donné envie de les découvrir (ou redécouvrir). Je vous souhaite de faire de très belles lectures et je vous dis à très vite !